J’ai le grand plaisir d’interviewer Antonio Gaudencio qui va nous parler d’un thème qui lui est cher.

J’ai posté l’interview au format vidéo, podcast (mp3 audio que vous pouvez télécharger pour écouter tranquillement n’importe où) et sous forme de texte ci-dessous…
Bon visionnage, audition ou lecture !! N’hésitez pas à poser vos questions ou remarques en commentaire de l’article en bas de page !

RETROUVEZ DIRECTEMENT UN PASSAGE PRÉCIS DE L’INTERVIEW EN CLIQUANT SUR LES LIENS DE LA TABLE DES MATIÈRES ! 

1. Bonjour Antonio et bienvenue. Peux-tu nous expliquer de quoi tu vas nous parler ?
2. Et on voit également que ça a pris du temps de réflexion car ton premier livre date d’il y a plus d’un an, je pense ?
3. Quand tu fais ce genre de livre, faut-il un thème général ? Donc, la première chose que tu fais avant d’écrire un livre est de définir le thème ?
4. C’est une photo en particulier qui a déclenché chez toi l’idée du thème général en gros ?
5. Elle va déterminer l’harmonie de toutes les autres photos du livre en fait ?
6. Peux-tu nous montrer un peu la même démarche pour le livre qui est encore disponible pour le moment ? 
7. Donc, tu crées ta maquette dans InDesign qui est, je le rappelle, un logiciel de mise en page ?
8.Tu peux nous dire l’intérêt de le faire via InDesign par rapport à le faire dans Photoshop par exemple ?
9. Es-tu aussi parti d’une photo référence qui a ensuite guidé ton thème ?
10. Avec tous tes voyages-photos, tes voyages personnels… Ça doit être un travail énorme. C’est compliqué en fait de choisir ces photos, n’est-ce-pas ?
11. Est-ce que des fois, tes choix sont influencés par quelque chose ? Par exemple, une photo qui aurait fait un succès phénoménal mais que toi, tu aimes un peu moins ?
12. En parlant de maquette, tu as sûrement aussi une réflexion par rapport au papier ou bien tu sais déjà à l’avance ? Je suppose qu’il y a des contraintes techniques et aussi économiques ?
13. J’allais justement te poser la question. Effectivement, il y a des droits sur les polices.
14. Quand tout ça est fait, tu dois aussi penser comment le vendre et comment le distribuer. C’est également un point important dans l’auto-édition.
15. Oui, tu t’es basé sur la première édition pour faire une estimation ?
16. Donc, on vient de parler de toutes ces phases de financement et de réalisation mais une fois que c’est imprimé, il faut bien les vendre mais aussi les expédiés. Ça doit être aussi une partie complexe ?
17. Comment tu gères l’enlèvement, le dépôt ? Tu attends un certain nombre de commandes et puis tu vas toi-même à la poste ?
18. Ca aussi, c’est important de montrer : Après avoir fait le livre, il faut faire une page de présentation soignée. 
19. Il faut compter combien de temps à peu près si, par exemple, on le commande maintenant ?

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Olivier : Bonjour Antonio et bienvenue. Peux-tu nous expliquer de quoi tu vas nous parler ?

Antonio Gaudencio : Bonjour à tous, je suis très heureux d’échanger avec toi sur un sujet que je trouve très intéressant pour tous les photographes auteurs : c’est l’impression d’un livre. C’est un thème qui est très peu abordé. Et pourtant, quand on est photographe auteur, que l’on va chercher des photos, des ambiances et qu’on commence à avoir aussi un univers qui est un peu “reconnu”, je pense que pour tout passionné de photographie, c’est le Graal. C’est d’arriver au moment où on développe un travail d’auteur sur une identité photographique. C’est un travail sur soi-même. Donc, on travaille pour ne pas tomber dans la simplicité de faire comme tout le monde et ainsi de prendre le contrepied de tout ça.

Olivier : Là, c’est ton deuxième livre que tu publies, n’est-ce pas ?

Antonio Gaudencio : oui, en effet.

Olivier : Il s’intitule comment ?

Antonio Gaudencio : “Inspirations Urbaines”.

Olivier : Je l’ai déjà commandé mais je ne l’ai pas encore. Le premier volet, c’était bien “Inspirations Nature” ?

Antonio Gaudencio : Le premier était “Inspirations Nature” et “Inspirations Urbaines” qui vient tout juste de sortir. Je me suis fait faire un coffret qui comprend les deux. Au final, ce sera un triptyque, donc une trilogie.

Olivier : Tu ne nous dis pas le titre du prochain ? Tu laisses le suspense (rires).

Antonio Gaudencio : Je pense que ceux qui suivent mon actu, mon activité avec les réseaux sociaux et les photos que je poste, auront compris de quoi il s’agit.
L’idée est que si on est photographe auteur face passionné de photographie, je pense que le livre est l’aboutissement d’une vraie démarche personnelle.

Olivier : C’est vraiment la raison pour laquelle tu as entrepris ce projet. Et on voit également que ça a pris du temps de réflexion car ton premier livre date d’il y a plus d’un an, je pense ?

Antonio Gaudencio : Non, plus que ça : deux ans et demi.

Olivier : Ah oui, carrément ! Le temps file ! Je ne me suis pas rendu compte.

Antonio Gaudencio : Oui, deux ans et demi parce que je suis pas un surproducteur de livre car il faut chercher le contenu.

Olivier : Oui, c’est ça. Ce n’est pas balancé n’importe comment. Il y a toute une réflexion dans la construction.

Antonio Gaudencio : Ben, c’est-à-dire que faire du remplissage de page, c’est pas mon truc. Je pense que ceux qui achètent des livres photographiques sont des gens qui aiment la photo et qu’il ne faut pas trahir ceux qui achètent ton bouquin. Sinon, on peut avoir l’impression que tu vends un bouquin juste pour en vendre un. Le choix des photos est le plus difficile à faire. Je pense que l’auteur photographe sait qu’à un moment, il va falloir exposer son travail. Il y a une vraie philosophie, une mentalité “photographe”. Quand on passe le temps qu’on passe sur le terrain, comme toi, à chercher des compositions, des lumières, un vrai travail d’auteur, voire de créateur des fois, ce n’est pas pour exposer ton travail uniquement sur des réseaux sociaux.

Olivier : Je te rejoins complètement : l’impression pour moi, c’est la finalité d’une photo. Les photos dans l’ordinateur, j’en ai des milliers ! Au point que je ne trouve plus certaines photos de mes enfants (rires). Donc, la finalité d’une photo, c’est l’impression et l’exposition, comme tu en fais déjà pas mal. Mais, c’est vrai que, grâce aux livres, tu peux toucher des gens qui ne savent peut-être pas se déplacer afin de voir tes œuvres en vrai.

Photo d'Antonio Gaudencio
Antonio Gaudencio

Antonio Gaudencio : Alors, j’ai commencé par les Beaux-Arts, il y a très longtemps, et j’avais fait des expositions mais en art pictural, donc des huiles sur toiles. Après, la vie fait que j’ai dû arrêter et me lancer dans la photographie. Pendant presque 17 ans, j’ai pas fait une seule photo, pendant 17 ans ! J’ai repris la photo il y a une dizaine d’années.

Olivier : Tu as bien fait !

Antonio Gaudencio : Je pense que tous ceux qui lisent cet article, et qui ont exposé un jour, savent que c’est la plus belle des choses que d’exposer son travail pour un photographe. Je ne parle pas forcément d’aller dans les grandes galeries, dans les grands festivals. On peut très bien exposer dans la salle culturelle de la mairie de son village. Ce n’est pas parce que la salle est belle que l’émotion sera plus grande.

Olivier : Tout à fait d’accord.

Antonio : Parce que quand les gens regardent les réseaux sociaux, tu t’attends à leur regard. Tandis que lorsque tu accroches tes œuvres et qu’une personne regarde, que tu croises son regard parce qu’il y a un échange, il faut accepter que le regard soit d’une personne qui est déçue, d’une autre qui est admirative,… mais on est dans l’émotion humaine.

Olivier : Comme tu dis, c’est tout à fait différent. Quand on voit qu’on fait des photos pour Instagram, on est obligé de le faire pour une question de visibilité, et qu’on passe des heures à travailler une image pour qu’elle soit au final regardée sur la taille d’un écran. C’est pas ça le but de la photo.

Antonio Gaudencio : Et en plus, tous ceux qui vont jusqu’à imprimer leur photo vont comprendre ce que je veux dire. Lorsque la photo sort, qu’elle est imprimée et que tu la tiens dans tes mains …

Olivier : C’est comme ton bébé en quelque sorte.

Antonio : Et là tu te dis : ”L’histoire est terminée. J’ai été jusqu’au bout de l’histoire.”

Olivier : Oui, je pense qu’il y a vraiment la notion de finalité comme tu viens de l’évoquer. De l’intention photographique, quand tu es parti sur le terrain avec ton idée, suivie par tout le processus de post-traitement, sans l’impression, il manque quelque chose.

Antonio Gaudencio : Je pense que tu vas être d’accord avec moi car je sais que tu imprimes aussi : quand tu exposes ton travail et que la personne vient à côté de toi, ça te remet dans la situation d’accompagnement comme quand tu parles sur Skype avec ta femme ou un pote, face à une belle scène, tu retrouves cette émotion-là. Là, j’expose pendant deux mois et c’est particulier car j’expose au Portugal, mon pays de naissance. En fin de compte, l’émotion qui est générée face à ta photo avec une très belle impression, dans un beau cadre et avec un bel éclairage, cette émotion-là, tu l’as enfermée dans ton tirage et tu la retransmets à une personne qui n’est pas là. Je ressens des fois la même émotion rien que d’être exposé.

Olivier : Je te comprends parfaitement. C’est là qu’on voit la différence entre prendre des photos un peu de manière machinale et ce qu’on fait. C’est la transfiguration d’une émotion qui est concrétisée dans une image. C’est le pouvoir de l’image.

Antonio : Je veux dire que la personne qui est à côté de moi, c’est comme si elle était là à la prise de vue, au moment où j’ai pris la photo.

Olivier : Lui faire comprendre ce que tu as vu et ressentis, j’imagine.

Antonio Gaudencio : Je pense que le rôle d’un photographe auteur est d’aller chercher des moments, des instants, des lumières, des ambiances pour ensuite les partager avec des gens qui n’ont pas forcément eu la chance d’être là à ce moment-là.

Olivier : En effet, tout le monde n’a pas l’occasion de parcourir le monde et de découvrir ainsi tous ces lieux et ces ambiances.

Antonio Gaudencio : En fin de compte, le livre est la continuité. Souvent quand on expose, quand le timing le permet, on essaye d’exposer en même temps que les sorties de livres. Quand tu prends la série Icône qui a été exposée à Paris, qui est à Lisbonne actuellement, les gens n’achètent pas ces tirages, ils sont hors de prix, mais ils achèteront les livres.

Olivier : Ça te permet en même temps de toucher un plus grand public. Il peut quand même bénéficier de ce retour d’émotion, du fait de l’avoir en main et de pouvoir le toucher, à un prix plus accessible.


Olivier : Quand tu fais ce genre de livre, faut-il un thème général ? Par exemple, tu as fait les livres “Inspirations Nature”, puis “Inspirations Urbaines”… Donc, la première chose que tu fais avant d’écrire un livre est de définir le thème ?

Antonio : Oui, parce que je ne veux pas que ce soit un Arlequin de photos.

Olivier : C’est pas un portfolio de ton travail, quoi. C’est vraiment tout ce que tu as fait dans une partie de ton œuvre qui correspond à un thème bien précis.

Antonio : En gros, comme souvent le livre est en parallèle d’une exposition tel que “Inspirations Nature” qui n’est plus disponible en vente car je bride volontairement les éditions. Je pense que si j’avais fait 1000 livres, j’aurais vendu 1000 livres. Je ne cherche pas ça. Je veux rester dans les petites éditions.


Olivier : Oui, car il est important de préciser que tu fais tout toi-même. Ici, on parle bien d’ auto-édition ce qui n’est pas pareil que d’aller contacter un éditeur. Tu fais tout de A à Z.

Antonio : Déjà, quand on parle de livres, il y a plusieurs thèmes à développer : il y a l’édition, il y a le financement puisqu’en fin de compte tu peux être le plus passionné de la terre et avoir les plus belles photos du monde, il faut le financer. Malheureusement, c’est là le nerf de la guerre : comment financer tout ça et comment le vendre ? Parce que même si tu as les moyens d’imprimer un livre à 2000 exemplaires avec tes propres ressources personnelles, il faut les vendre après. Tes livres, tu ne vas pas les donner. Même si des fois t’en a envie, tu ne les donne pas (rires).

Olivier : Oui, je comprends bien.

Antonio Gaudencio :  La passion des fois fait que tu en as envie. En toute honnêteté, il m’est arrivé de donner un livre à quelqu’un. J’étais en festival et cette personne était une jeune fille. On sentait bien qu’elle adorait le livre donc je lui ai offert. Evidemment, je ne peux pas offrir à tout le monde. L’émotion et la passion sur un travail photographique, un travail d’auteur forcément c’est bien, mais un moment il faut aussi que tu gagnes ta vie.

Olivier : C’est la joie de pouvoir faire plaisir aussi…

Antonio : On est avant tout humain. On n’est pas des machines.

Olivier : C’est vrai qu’à une époque où tout devient automatisé, on commence à perdre aussi un peu  la notion d’humanité.


Antonio Gaudencio : Et le premier livre, « Inspirations Nature », est sorti en même temps que l’exposition à Arles. Après Arles, l’exposition est partie à Paris, puis à Gex, à côté de Genève. Le livre s’est bien vendu au fur et à mesure. A Genève, j’ai fait beaucoup de signatures. En fin de compte, éditer un livre c’est la même philosophie qu’organiser une exposition : il faut une référence. Ce qui a déclenché la création du livre « Inspirations Nature”, c’est la photographie qui a été réalisée sur l’Espagne.

Photos pour le livre Inspirations Nature d'Antonio Gaudencio.
Photos pour le livre Inspirations Nature d'Antonio Gaudencio.

Olivier : C’est une photo en particulier qui a déclenché chez toi l’idée du thème général en gros ?

Antonio : Oui, souvent c’est une photo. Pour les trois livres qui vont arriver c’est parce qu’ à un moment, il se passe quelque chose. Ce n’est même pas la peine d’essayer de comprendre ou d’expliquer les choses. C’est quelque chose en toi qui te dis que c’est ça, tu ressens quelque chose en toi. A partir de là, souvent, c’est la photo référence. Qu’on crée un livre ou qu’on monte une exposition, c’est la même philosophie. Le choix de la photographie de référence, la cohérence de la lumière, la concordance des couleurs, des sujets,…

Olivier : Elle va déterminer l’harmonie de toutes les autres photos du livre en fait ?

Antonio Gaudencio : Oui, c’est ça. Quand tu sors un livre, tu peux te dire “vitrine”. Une vitrine, tu mets tout dedans : des landscapes, des cityscapes, des photos de nuit, des photos de jour, mais ça fait un peu remplissage.


Olivier : Oui, en regardant les photos, on voit bien qu’elles sont toutes cohérentes au niveau de la colorimétrie, de la lumière. Il y a la même ambiance qui se dégage de toute la série. C’est en quelque sorte le principe de travailler en série ?

Série de photos pour Inspirations Nature.
Série de photos pour Inspirations Nature

Antonio Gaudencio : C’est ça. Et donc, celle qui m’a inspiré le livre est dedans sous le nom “Fragilité éternelle”. Le livre “Inspirations Nature” qui n’est plus en vente maintenant. Je sais que certaines personnes sont arrivées après mais il y en a plus, c’est comme ça. En fait, les trois volumes seront limités à 500 exemplaires donc je ne vais pas en mettre plus. J’ai vendu le premier volume en tant que série limitée donc il faut tenir ses engagements. En plus, je vais bientôt proposer des coffrets où les gens pourront mettre le diptyque ou le triptyque pour ceux qui ont deux ou trois bouquins. Ensuite, tu mets le coffret avec les trois volumes dans ta bibliothèque. C’est ça l’idée.

Photo référence pour le volume 1 d'Antonio Gaudencio.
Photo référence pour le volume 1

Olivier : Moi, c’est ce qui m’a motivé à te commander le livre. A chaque fois que j’ai des photographes qui m’inspirent, dont toi, j’aime bien aller regarder comment il a fait cette photo pour m’imprégner un peu de son ambiance, etc. Plutôt que d’aller chercher sur Facebook des tonnes de trucs, je l’ai là à côté de moi.

Antonio Gaudencio - Inspirations Nature
Antonio Gaudencio

Olivier : Quand j’ai vu la photo du Colisée qui est l’une de mes photos favorites, je me suis dit : “Non, celle-là, il faut que je la voie pour me motiver! ”. En effet, ça me motive d’avoir une photo comme ça devant moi chaque jour. Ça me donne envie de traiter une photo, d’essayer de la reproduire, sans faire exactement ce que tu fais évidemment.

Antonio Gaudencio : Cela s’appelle de l’inspiration.

Olivier : Voilà ! D’ailleurs, c’est le titre du livre. Cela apporte une espèce d’énergie, de motivation. On se dit : « À quoi ai -je envie d’arriver en photographie ? Arriver à transmettre des émotions”.

Antonio Gaudencio : Il y a des photos qui reviennent souvent dont le Colisée et celle de Playa Arnia en Espagne. Dans ton travail de photographe, il y a des photos de références qui sortent tout le temps. Les gens tombent dessus et se disent : “Tiens, c’est génial, je vais la regarder”. Je ne sors pas non plus quinze photos par semaine. Par exemple, je suis parti en Ecosse avec deux potes et ma femme, il y a deux ans, on est resté 6 ou 7 jours sur place. J’ai dû faire 500 photos et je n’en ai gardé que 4.

Playa Arnia d'Antonio Gaudencio
Playa Arnia d'Antonio Gaudencio

Olivier : Là, je te rejoins tout à fait. C’est là qu’on voit qu’on atteint un certain niveau en photographie : on est content quand on revient même qu’avec une seule photo, ou deux parfois, d’un voyage dont on est vraiment satisfait.

Antonio Gaudencio : Les images plus haut dans l’article proviennent de la série Fragilité éternelle qui est actuellement exposée. Il y avait une exposition “Inspirations Nature” dont la série tourne encore. Là, j’ai pris certains morceaux d’une série pour en tourner une autre. Ici, c’est un thème qui s’appelle Fragilité éternelle. C’est le parcours de l’eau qui part de la source et qui atteint l’océan. Donc, il y a un vrai parcours historique avec la présence humaine.

Olivier : Oui, il y a chaque fois une petite silhouette humaine qui vient ponctuer la photo.

Antonio Gaudencio : Je vous montre le texte qui dit qu’il y a aussi une menace et c’est la présence humaine. Là où naît la source, l’eau c’est la vie, elle parcourt les cicatrices de la terre, donc est marquée par le climat, entre autres, pour atteindre l’océan qui représente un océan de liberté. Nous, on se libère dans l’océan. Mais, malheureusement, elle croise l’homme dans son parcours. Cela permet aussi de mettre en avant qu’il faut respecter l’eau. L’eau est très importante.

Texte d'Antonio Gaudencio sur la fragilité éternelle.
Texte d'Antonio Gaudencio

Olivier : Tu avais des prémonitions au moment où tu as écrit ce livre par rapport à cette année (rires).


Antonio : J’ai fait aussi la série hommage à mon ami disparu d’un cancer. Elle est exposée à Arles pour la deuxième fois de suite.

Série hommage
Série hommage "Toujours là"

Antonio Gaudencio : Quand j’étais en Ecosse, j’ai été chercher cette photo-là.

Photo
Photo "Toujours là"

Olivier : J’avais compris quand tu l’avais publiée à l’époque que c’était lié à quelque chose de fort émotionnellement.

Antonio Gaudencio : Pour la petite histoire, je suis parti comme j’ai dit, 6-7 jours sur la route North Coast 500, celle qui passe par l’extrême nord de l’Ecosse parce que c’était important de finaliser ma série. Il me manquait quelque chose. On est parti là-bas, j’ai photographié avec mes potes et à un moment donné j’ai eu ma photo : celle-là. Je ne suis revenu de là qu’avec deux photos. En fin de compte, tout travail sur une exposition ou un livre, c’est exactement la même chose. Il faut une cohérence au niveau du thème. Cette série a fait aussi partie d’un livre exclusif car édité à seulement 20 exemplaires. Il n’y en aura pas un de plus, c’est certifié. Vous pouvez en voir le texte ci-dessous pour cette série hommage.

Texte "Toujours là"

C’est moi qui imprime sur du papier de très haute qualité, du papier exceptionnel. C’est broché manuellement à la japonaise par une amie qui fait les Beaux-Arts à Paris. Bien sûr le prix va avec, on est d’accord. C’est une édition ultra limitée et numérotée. Quand on parle de livre, on parle aussi de thème donc là, le thème est l’hommage.


Olivier : Je récapitule : En premier déterminer sur quoi on va travailler, la photo qui sert de référence, articuler ensuite le tout avec une harmonie entre les teintes, la colorimétrie, la luminosité et tout ça, pour au final véhiculer le même message à travers tout le livre. Peux-tu nous montrer un peu la même démarche pour le livre qui est encore disponible pour le moment ?  Mais je pense qu’il ne le sera plus très longtemps ! 😉

Antonio Gaudencio : Pour le contenu, on l’a compris, il faut un thème : il ne faut pas mélanger l’urbain et le paysage. Là, j’ai commencé avec l’inspiration nature, puis l’inspiration urbaine et après, il y aura l’inspiration bip bip bip bip. Pour cela, je pense qu’on est tous les deux pareils : on aime autant l’urbain que la nature.

Olivier : Oui, moi c’est pareil. Autant je déteste la pollution de la ville, autant des fois j’aime cette excitation de faire d’autres photos.

Antonio Gaudencio : On sait très bien que photographiquement et techniquement parlant, au niveau de la démarche photographique, au niveau de la composition, c’est de loin totalement en opposition. Le travail sur la nature, c’est la nature qui est en mouvement. Le travail sur la ville, c’est la ville qui est en mouvement avec des éléments figés comme des immeubles et avec des problèmes de lumière parce qu’on travaille souvent tous les deux à l’heure bleue. Je ne reproche rien aux photos prises en plein jour en ville, c’est chacun sa sensibilité. En tout cas, ma sensibilité, c’est l’heure bleue ou la lune.

Olivier : Ben oui, c’est l’éclairage qui magnifie la ville. C’est comme dans une vitrine dans laquelle tu mets un bijou, s’il n’y a pas d’éclairage, il est moins intéressant.

Antonio Gaudencio : Depuis quelque temps, avec un remplacement des lampes par du LED, ça devient compliqué. Le côté un peu “glamour” de la ville, maintenant avec des LED froides, c’est pas top. Ça casse l’ambiance. Et après quand tu te retrouves avec des lumières au sodium, tungstène, LED,…

Olivier : Oui, j’avais suivi l’un de tes tutos où tu expliquais qu’il y avait une partie de la photo avec tel éclairage, une autre partie avec un autre éclairage… Cela concernait un tram à Lisbonne.

Antonio Gaudencio : Après, c’est comme ça. Tu n’y peux rien. C’est justement parce qu’on est formateur tous les deux qu’on doit faire face, par la formation, à ces problématiques-là.

La vie m’a beaucoup inspiré et donc je vous montre mon premier design. Ci-dessous, il s’agit de la maquette.

Maquette du livre Inspirations Urbaines
Maquette du livre Inspirations Urbaines

Olivier : Oui, c’est intéressant également pour les gens de voir le processus de création. Donc, tu crées ta maquette dans InDesign qui est, je le rappelle, un logiciel de mise en page ?

Antonio Gaudencio : Un logiciel d’édition de mise en page, oui.

Olivier : C’est une référence, je pense ?

Antonio Gaudencio : Oui, c’est une référence parce qu’il fait partie du pack Adobe. Dans les packs Adobe, tu as un écosystème qui fait que tu as tout pour tout. Je suis aussi à l’aise avec un beaucoup moins connu qui est Quarkxpress.

Olivier : C’est de celui-ci dont je me rappelais de l’époque où je travaillais en agence.

Antonio Gaudencio : Bon avec Quarkxpress, c’était quand même plus compliqué. Donc, la mise en page, c’est moi qui la fait parce que j’ai la chance d’avoir été formé sur InDesign aussi.


Olivier : Tu peux nous dire l’intérêt de le faire via InDesign par rapport à le faire dans Photoshop par exemple ?

Antonio Gaudencio : Ben, Photoshop c’est bien pour faire une petite plaquette avec du texte. Par contre, InDesign est un logiciel d’édition. Cela veut dire que c’est beaucoup plus simple pour travailler la police, la préface et tout ça.  Il y a une souplesse au niveau de la gestion des polices qui est beaucoup plus facile que dans Photoshop. Après, il n’y a plus qu’à faire la mise en page parce qu’il y a la maquette. Avec Photoshop, c’est ingérable, ce n’est pas la peine.

Gestion d'édition dans InDesign
Gestion d'édition dans InDesign

Olivier : Ah oui, il faudrait ouvrir un tas de documents. Je ne sais pas combien il y a de pages ?

Antonio Gaudencio : Là, 92.

Olivier : Là, j’imagine 92 documents ouverts. Pour jongler entre les onglets, c’est pas possible.

Antonio Gaudencio : Après, InDesign est un logiciel assez accessible aussi. Globalement, ce livre Inspirations Urbaines est un voyage à travers les villes que j’apprécie particulièrement.


Olivier : Es-tu aussi parti d’une photo référence qui a ensuite guidé ton thème ?

Antonio Gaudencio : Oui, c’est celle-là.

Photo de référence pour Inspirations Urbaines
Photo de référence pour Inspirations Urbaines

Olivier : Oui, je me rappelle. A l’époque, elle m’a donné envie d’aller à New-York.

Antonio Gaudencio : Et après, tu as le thème. De toute façon, je savais déjà quand j’ai sorti “Inspirations Nature” que j’allais faire une trilogie : la nature, l’urbain et le “bip bip bip”.

Olivier : C’est comme Star Wars quoi ? (rires). Tous les trois ans, il fallait attendre le retour du Jedi.

Antonio : Il ne faut pas sortir un livre pour sortir un livre : il faut du contenu. Puis, il faut que tu t’obliges à une qualité par respect pour tes clients.

Olivier : Oui, tu m’as dit 92 pages. Il doit y avoir beaucoup de photos ?

Antonio Gaudencio : Il y a 54 photos.

Olivier : Ah oui, 54 ! En plus, je vois que c’est classé par ville. On passe de New-York à Lisbonne, à Paris, à Rome…

Antonio Gaudencio : C’est ce que je disais, c’est un voyage dans les villes que j’ai aimées. Il y en a qui mettent beaucoup plus de villes. J’aurais pu mettre beaucoup plus de pages mais, plus tu mets de page, plus tu mets de contenu, plus c’est difficile de maintenir une qualité. Il faut que la personne qui achète ton livre ait l’impression que chaque photo est une photo en elle-même. Chaque photo peut être extraite de ton livre et affichée. Il ne faut pas se dire : ”New-York, il nous met une photo de dingue et derrière, pfffffffffff, le soufflé retombe.” Ici, je te montre une double-page qui n’est pas due au hasard.

Maquette pour la double-page du livre Inspirations Urbaines
Maquette pour la double-page du livre

Entre celle de gauche avec l’heure bleue et celle de droite avec le sunset, il y a trois voyages qui les séparent. Celle de gauche est la première photo que j’ai prise quand je suis arrivé à New-York lors de mon tout premier voyage. C’est la vue depuis le pont de Brooklyn à New-York. C’est la ville de Brooklyn, dos à Brooklyn et face à Manhattan Sud. Je fais partie de la génération qui a grandi avec les séries américaines comme Starsky et Hutch et tout ça.

Olivier : Moi, c’est pareil, C.H.I.P.S. et compagnie.

Antonio Gaudencio : La première fois que j’ai fait le voyage avec ma femme, je lui ai dit qu’on allait retrouver les endroits que l’on voit dans les séries : le grand Central, le grand Tribunal, le tribunal central de New-York, le pont de Brooklyn… On peut dire que le pont de Brooklyn, c’est la tour Eiffel de New-York. C’est à partir de là qu’ensuite j’ai fait Rome, Lisbonne, enfin plein de villes. Maintenant, je n’ai pas pu mettre toutes les villes.


Olivier : Oui, tu voulais être cohérent avec le premier livre. Tu t’es dit : ”J’ai autant de pages, il faut que je trouve le contenu”.

Antonio : Le premier livre 92 pages, le deuxième 92 pages et le troisième 85 pages. Il fallait que les trois livres les uns à côté des autres aient la même conception, la même fabrication et le même nombre de pages. J’avais envie de parler de Dubaï, de N-Y, de Lisbonne, de Rome, de Paris. Il est important que chaque photo soit d’une qualité photographique qui puisse finir en tirage. C’est pour cela que tu mets parfois trois ans à trouver ton contenu. Parce que des photos de villes, j’en ai des centaines.

Olivier : J’imagine. Avec tous tes voyages-photos, tes voyages personnels… Ça doit être un travail énorme. C’est compliqué en fait de choisir ces photos, n’est-ce-pas ?

Antonio Gaudencio : C’est le pire.

Olivier : C’est le crève-cœur. Tu procèdes comment ? Est-ce que tu les regroupes toutes ensemble pour avoir une vision globale et puis une sélection ?

Antonio : La première chose que j’ai faite pour ce bouquin était de choisir les villes que je voulais faire.

Olivier : Donc, d’abord, tu penses par ville.

Antonio Gaudencio : Parce que ce sont les villes que j’ai particulièrement appréciées. Ces villes sont très photogéniques. Après, ma relation avec Dubaï est un peu différente qu’avec New-York. New-York, je peux y retourner 20 fois, c’est pas un problème. Par contre,  Dubaï, j’y suis allé une fois et j’y retournerai plus car j’avais dans ma tête une ou deux photos à faire. Au-delà de la photo, tu as aussi l’aspect de la ville. Je ne vais pas me lancer dans la politique mais Dubaï n’est pas une ville dans laquelle j’ai envie de retourner.

Olivier : Oui, il n’y a pas que l’aspect visuel. Il faut aussi le vécu avec les émotions que tu as ressenties là-bas.

Antonio Gaudencio : Pour des raisons socio-politiques ou géographiques. Ce sont des villes qui sont nées en 50 ans, qui sont sorties du sable et qui sont devenues des mégapoles au prix de certaines conditions de travail qui ne sont pas géniales. Ça peut gêner, tu vois ? Par contre, New-York est une ville historique. Quand tu pars pour New-York, tu parcours quasiment toute l’histoire du monde avec des strates d’architecture, tu as des immeubles de 1930 à côté de la One (Cqfd : One World Trade Center). Donc, c’est très photogénique.

J’ai choisi mes 5 villes mais après, il fallait choisir et  je pense que tout le monde fait une photo parce qu’il l’aime.


Olivier : Oui, bien sûr. Mais parfois il n’y a pas de corrélation entre ce que nous on aime et ce que le public aime. Est-ce que des fois, tes choix sont influencés par quelque chose ? Par exemple, une photo qui aurait fait un succès phénoménal mais que toi, tu aimes un peu moins ? Ça m’arrive souvent : des photos que je trouve moyennes marchent à fond et d’autres que j’aime bien personnellement et qui ont moins de succès.

Antonio : Non, parce que je pense qu’alors tu fais un livre opportuniste. (Olivier : La composition des Hits, comme en musique – rires). En fin de compte, tu demandes à Facebook de te donner un listing des photos qui ont le mieux marché sur ton compte, par exemple, et tu sors un bouquin… Non. Quand tu proposes un livre, tu proposes TA sensibilité.

Olivier : Je m’en doutais. Tu me confirmes que ce qui est dans ton livre est ce que tu as ressenti et que tu as eu envie de montrer. Et cela, sans te préoccuper du succès potentiel de certaines photos.

Antonio : Non, parce que je pense que les gens apprécient cette démarche.

Olivier : Oui. Et parfois, cela coïncide comme ta photo du Colisée qui est l’une de mes photos préférées dans ton travail.

Antonio : Pour la petite histoire, j’ai eu de la chance que cette photo ait été classée parmi les dix plus belles photos du Colisée de Rome.

Photo Colisée

Olivier : J’ai vu beaucoup de photos du Colisée. Je suis allé moi-même à Rome à peu près en 2014. Je crois même que c’est la photo qui m’a fait te connaître. En effet, j’ai été fasciné car j’ai vu tes photos après mon voyage et je me suis dit : “Purée, comment est-il arrivé à faire ça !”. Tu avais aussi une photo de la fontaine de Trevi, je me rappelle. Car c’est vraiment pas facile à cadrer…

Antonio Gaudencio : Là voilà.

Fontaine de Trevi d'Antonio Gaudencio
Fontaine de Trevi d'Antonio Gaudencio

Olivier : Oui, c’est ça. Je me suis vraiment demandé comment tu étais arrivé à ce résultat. Je m’en rappelle comme si c’était hier.

Antonio : Ben, si on veut parler un peu technique, c’est un vertorama en fait.

Olivier : A cette époque, je ne connaissais pas cette technique et donc, je ne comprenais même pas.

Antonio Gaudencio : C’est un empilement de trois prises de vue verticales. C’est comme un panorama mais vertical. Sinon ça ne rentre pas. A présent, je retourne sur celle de New-York pour t’expliquer un peu la subtilité des choses.

Olivier : Oui, désolé, je t’ai fait sauté à Rome. J’ai aussi été emporté par l’émotion !

Antonio : C’est pas grave, on est là pour discuter photo.


Olivier : Je pense que c’est un bon conseil que tu donnes là. Si vous faites un livre, allez-y avec vos tripes, faites ce que vous aimez, même si c’est “à contre-courant” de ce qui est à la mode. Croyez en ce que vous faites et allez jusqu’au bout.

Antonio : Je pense que ça se ressent quand tu proposes un livre, s’il est authentique. Maintenant, dans les 54 photos, tu peux ne pas les apprécier toutes. De toute façon, plaire à tout le monde, ce n’est pas possible. Il y a le choix des photos. D’ailleurs, c’est horrible parce que tu dois enlever des photos que tu aimes bien.

Olivier : C’est comme si tu avais 50 enfants et que tu devais dire “Toi, tu viens pas avec, tu dois rester à la maison.”

Antonio Gaudencio : C’est ça, c’est difficile mais bon, il faut le faire. Tu fais un gros dossier que tu dégrossis à l’écran et après tu fais des petits tirages de lecture que tu mets par terre dans une pièce. Tu les regardes, tu en enlèves un, tu déplaces les tirages,… Petit à petit, tu finis par en enlever et à créer des harmonies.

Sur les deux photos de New-York côte à côte, ce n’est pas un hasard. C’est mon premier et mon dernier voyage à New-York. Celle de gauche est prise dos à Brooklyn dans le sens de Manhattan Sud et celle de droite, elle est dos à Manhattan dans le sens de Brooklyn.

Olivier : Il y a une symbolique en fait.

Antonio : Évidemment, il y aussi une question d’esthétique car d’abord, tu as l’heure bleue et après, tu as le lever de soleil. Donc tu as les deux mondes qui se côtoient. C’est peut-être subtil mais ça se ressent dans un livre.

Olivier : Oui, on voit qu’il y a une réelle réflexion. Ce n’est pas juste du remplissage.

Antonio : Oui, tu as une harmonie globale. Tu as les double-pages, les tirages panoramiques,… J’ai eu une grosse réflexion parce qu’il y a une problématique avec une image en double-page qui est le pli du livre. Forcément, tu as une lecture qui est moins confortable puisque l’image est courbée. Après, il y a des astuces d’éditeurs comme couper l’image au pli et tu l’écartes. Comme ça, il ne faut pas l’écarter au maximum pour tout voir. Du coup, on a compensé pour le confort du lecteur.

Maquettes pour double-pages Antonio Gaudencio
Maquettes pour double-pages

La meilleure des solutions quand tu es face à une double-page c’est soit un livre à lecture à plat, mais le coût de production n’est pas le même, soit tu fais un feuillet dépliant dans lequel tu déplies un troisième volet et ton panoramique se déroule. Mais les prix ne sont plus les mêmes non plus. J’ai eu la problématique de rester sur la trilogie avec le même nombre de pages, la même conception et le même prix. Tu peux pas dire que le premier volet coûte 45€ et le dernier en coûte 15. C’est incohérent. Donc, j’ai fait le choix de rester sur la conception de base du premier.

Si on regarde bien l’image du pont, on voit que le pli est bien situé. Quand vous faites votre maquette, prenez l’option de rendre quand même l’image confortable pour la lecture. Ici, la partie droite de la photo avec le pont qui déborde sur l’autre page a moins d’intérêt que la partie gauche. Rien que la partie droite constitue la photo en elle-même. Donc, j’ai conçu mes panoramiques pour que le sujet soit en pleine page à gauche ou à droite et le reste ne fait que compléter un peu. C’est exactement le genre de réflexion qu’il faut avoir.

Olivier : Là on se rend compte que rien n’est laissé au hasard. Tout doit être anticipé.

Antonio : Sur le panoramique suivant, c’est le sujet à droite avec un débordement à gauche.

Découpages des panoramiques
Découpages des panoramiques

Le repère bleu qui est à gauche du panorama est aligné avec toutes les autres photos panoramiques du dessous.

Olivier : On comprend que ça prenne du temps.

Antonio : On comprend bien qu’on ne doit pas mettre un sujet dans le pli du magazine. Il y a une vraie logique de travail. Ce sont des réflexes à prendre.


Olivier : Tu vas avoir des demandes de tutos, je crois, “Comment créer son livre” parce qu’il y a de quoi faire (rires).

Antonio : Ensuite, il faut oxygéner. J’aurais très bien pu remplir le bouquin avec que des photos et des photos mais cela devient indigeste. Tu as une double-page et bien, tu mets du blanc à gauche par exemple.

Olivier : C’est comme dans tout. C’est comme dans la musique, il y a un rythme. Tu as une montée crescendo dans le refrain, puis la mélodie redescend, etc. Si tout est linéaire, cela devient monotone.

Antonio Gaudencio : C’est pas parce que tu as 92 espaces que tu dois mettre 92 photos. Pour faire la transition, tu as un petit texte sur une page comme “Paris”. Cela laisse le temps de reprendre son souffle. Après, il y a aussi la maquette…

Olivier : En parlant de maquette, tu as sûrement aussi une réflexion par rapport au papier ou bien tu sais déjà à l’avance ? Je suppose qu’il y a des contraintes techniques et aussi économiques ?

Antonio : Les contraintes techniques et économiques sont vraiment le nerf de la guerre. Je connais plein de photographes qui ont des projets photographiques intéressants mais qui bloquent sur l’aspect financier. Il faut le produire ton bouquin. Pour le choix du papier par exemple, ce bouquin-ci m’a coûté plus cher à produire que le premier.

Olivier : Pourquoi ?

Antonio : Parce qu’entre-temps, le papier du premier n’était plus disponible. Ce sont des papiers qui peuvent être fabriqués à la commande. Quand je me suis renseigné pour le papier Arctic qui était très intéressant, ce n’est pas le seul, il n’était plus disponible. Alors, ce n’est pas le même imprimeur qui a imprimé le deuxième livre. Il est près de chez moi et il a fait un boulot de très, très bonne qualité. Pour que le papier Arctic entre en production, il faut en acheter au minimum 3 tonnes et moi, j’ai besoin de 500 kg. Donc, j’allais pas stocker 2,5 tonnes chez moi (rires). De ce fait, on a cherché, cherché, et on a trouvé un papier que j’aime beaucoup. Je suis même monté en grammage.

Olivier : Explique un peu le grammage stp, pour ceux qui ne connaissent pas.

Antonio : Le grammage c’est l’épaisseur du papier, de la feuille. Si on regarde mes deux livres, le deuxième est plus épais alors que c’est le même nombre de pages. J’ai donc voulu augmenter encore la qualité sur celui-là tout en respectant l’aspect. Quand tu passes les pages, elles sont presque cartonnées mais avec du papier légèrement moins brillant car je préfère qu’il satine un peu plus l’image. Quand tu fais des photos de paysage, tu auras tendance à prendre du papier plus brillant.

La même photo prise sur papier brillant ou papier mat, celle sur papier brillant sera plus contrastée vu que les noirs seront plus pétants. Au contraire, les papiers mats ont tendance à édulcorer ta photo.

Olivier : Cela dépend à nouveau de quelle émotion tu veux véhiculer par rapport à ton image. C’est pour cela qu’il y a une pléthore de papiers, c’est en fonction de ce que tu veux transmettre, en fait.

Antonio : C’est un papier plus satiné que le précédent car le sujet lui-même est plus pêchu que le premier. Ça m’a permis de donner un côté plus soft à mes contrastes et d’adoucir l’image. Je n’ai pas besoin d’ajouter du contraste étant donné que le sujet est déjà contrasté. Le prochain sera composé d’images très, très sombres et soft (Olivier : indice… ), je prendrai un papier dans ce sens.

Olivier : C’est ce que j’explique souvent aux photographes même en post-traitement, si tu veux véhiculer un sentiment de zénitude, tu ne vas pas mettre des couleurs contrastées. Donc, même au niveau du choix du papier, il doit y avoir une cohérence entre l’intention photographique et l’émotion retransmise au final.

Antonio Gaudencio : C’est vraiment important. Bon, il y a aussi la géopolitique qui fait qu’entre-temps il y a eu pénurie des matières premières. Entre la décision du choix du papier et l’acte d’achat, il y a eu 15% d’augmentation. C’est comme l’essence. Les matières premières se sont envolées et pour le papier, c’est pareil. Donc, mon imprimeur, Gilles Oliveira responsable de l’imprimerie Gráfica Maiadouro au Portugal, m’a dit: “Antonio, il faut se décider parce qu’il faut que tu signes le bon de commande afin de bloquer le prix.” En effet, il a continué à augmenter depuis. Quand tu produis un livre, la partie business est très compliquée car tu as ça mais aussi combien de pages tu vas mettre, à quel format… Moi, j’ai pris un format autour de 20X30 parce que c’est un format pratique. Tu peux facilement le ranger dans ton étagère et tu peux le transporter sous le bras ou dans ton sac. Il y a des livres qui pèsent 2,5 kg que tu ne transportes pas.

Olivier : Faut pas racheter une bibliothèque pour faire rentrer le livre (rires).

Antonio : Ou tu l’utilises comme table de nuit tellement il est épais (rires).

Il y a tous ces trucs-là mais, à la fois, écrire un bouquin est super motivant, hyper enrichissant mais hyper flippant aussi.


Olivier : Tu m’as dit que le format était de 20×30, donc c’est un rapport de 2:3 ce qui correspond aussi à la plupart des photos que l’on sort de nos boitiers. En tout cas, on est en format 2:3 sur les Reflex. C’est pour ça, je vois que tout est proportionnel dans ton livre. Le cadre blanc autour est proportionnel à la photo.

Antonio : Oui, ce sont des formats photos : 20×30, 30×40, 40×50,…

Olivier : Ce n’est pas anodin. Maintenant, je me rends compte que ça contribue aussi à l’harmonie de l’ensemble.

Antonio : Oui. Ce que j’ai fait avec le premier livre, celui-ci et que je ferai également avec le troisième, c’est que si tu prends une page, ça équivaut à un tirage. Tu peux presque découper la page et l’encadrer.

Une page équivaut à un tirage

Antonio Gaudencio : Ensuite, il y a le choix des polices aussi. J’utilise ma police préférée qui est Helvetica Neue et il faut savoir que les polices ne sont pas libres de droit non plus.

Olivier : J’allais justement te poser la question. Effectivement, il y a des droits sur les polices.

Antonio : Il y a un site qui est connu, c’est DaFont. Quand on télécharge une police, il faut aussi lire les droits d’utilisation.

Olivier : La plupart des gens ne lisent pas. Ils impriment et puis, ils peuvent avoir des problèmes.

Antonio : Evidemment, cela dépend si c’est pour une plaquette pour toi ou dans ton village. Seulement, lorsque c’est pour de l’éditorial, il faut aussi respecter les polices. Tu en as des libres de droits et d’autres non en fonction de l’utilisation. Tu dois penser à ça.

Olivier : Quand tout ça est fait, tu dois aussi penser comment le vendre et comment le distribuer. C’est également un point important dans l’auto-édition.

Antonio : Pour le financement, il y a des trucs connus comme Ulule. Ce sont des sites participatifs. Mais il faut savoir que Ulule prend 8% de ce que tu récupères comme argent pour financer ton projet. Parfois c’est bien car Ulule touche un maximum de personnes mais il faut le savoir. C’est normal, il faut bien qu’ils vivent aussi. Ou alors, si tu as une communauté assez importante qui aime ton travail, tu prends moins de risques, comme moi j’ai fait. Je n’utilise pas Ulul. Une autre idée pourrait être la coopération entre photographes.

Olivier : Oui, toi, tu as fonctionné avec les précommandes.

Antonio : En effet, pour ce livre. Et d’ailleurs, je passe le mot à tous ceux qui l’ont acheté : “merci beaucoup”. Parce que j’ai lancé les préventes le 17 juillet ce qui n’est certainement pas la bonne époque pour les projets.

Olivier : Non, certainement. Les projets en été alors qu’on a autre chose en tête (rires).

Antonio  : Oui, ils sont plus préoccupés par la plage mais tant pis car je ne pouvais pas faire autrement. Je n’avais pas le timing pour le lancer avant.

Olivier : Évidemment, on est parfois obligé de respecter certaines contraintes.

Antonio : J’y suis allé quand même, et en fin de compte, j’avais les 200 premières précommandes nécessaires pour le tirage. J’avais un seul impératif, et c’est mon imprimeur qui me l’avait imposé, c’était de livrer la maquette mi-août afin de l’imprimer fin septembre et qu’il soit assemblé pour le recevoir début octobre. D’ailleurs, j’ai plein de boîtes dans mon salon.

Olivier : Ah, c’est un facteur qu’il faut prendre en compte alors ? La taille de son salon (rires).

Antonio : Malgré cela, j’étais assez content parce que j’ai atteint mes objectifs en à peu près 15 jours.


Olivier : Je trouve que c’est une bonne méthode. Donc, ce que tu conseilles, c’est de tester son audience pour voir si on peut amener le projet à sa réalisation. Au final, tu ne risques rien car si le projet ne voit pas le jour, tu rembourses les gens et c’est tout.

Antonio Gaudencio : En tout cas, j’étais vraiment très content que les gens aient apprécié. Ce qui est assez marrant c’est que dans les 200 précommandes qui couvraient toute la partie financement, il y a les frais de distribution, les frais d’emballage, …

Il faut penser aussi aux commissions qui sont prises. Par exemple, j’ai tous vendus via PayPal. Tout ça, dans ton plan business, il faut en tenir compte. Le nombre de livres…

Olivier : Oui, tu t’es basé sur la première édition pour faire une estimation ?

Antonio : Oui. Il faut savoir que le livre est imprimé en offset, donc il est imprimé en 4 couleurs CMJN, du pigmentaire. On n’est plus dans le RVB. On est plus à l’impression numérique mais au offset traditionnel. Sur une échelle, imprimer les 200 premiers livres va te coûter quand même 7000 balles et les 100 suivants vont te coûter 400€. C’est le ratio, entre 400 et 500€. Tu vas te dire : “Pourquoi les 200 premiers coûtent 7000€ et les suivants 400 ou 500 € ?”.

C’est l’imprimeur qui va te dire autant pour l’édition des 200 premiers numéros, ça peut être une autre somme, et puis, tu as des options comme pour tous les 100 exemplaires supplémentaires, ce sera 500€. C’est dû au calage. Pour imprimer en offset, il faut les plaques offset, il faut les machines. La machine tourne et crache de la feuille et le conducteur doit caler la machine. Il choisit le bon à tirer et toi, tu es là pour vérifier que ce soit le bon tirage de référence. Tout ça prend du temps. Mais ensuite, quand la machine est lancée, qu’elle tourne, tout ce que tu payes c’est du papier d’encre. Quand tu vois ça, tu te dis : “Autant que j’imprime plus, puisque les suivants ne me coûtent plus que 500€.” Donc , quand tu divises ton prix de revient tant que la machine tourne, ton prix à l’unité baisse. Bref, tu rentabilises. Tu peux te dire que dans ce cas tu vas en imprimer 1000 mais après, il faut les vendre.

Olivier : Tu fais une estimation en fonction de la taille de l’audience susceptible d’acheter ?

Antonio : Le faire, c’est une chose, mais le divulguer aux gens… Potentiellement, tu as plein de gens qui vont t’acheter ton bouquin. Il faut juste que le message arrive à cette personne-là. C’est ce que tu fais quand tu lances tes formations de Lightroom et de Photoshop. Le gros du travail est d’arriver à atteindre la personne qui peut être intéressée par le produit.

Olivier : Oui, il y a des budgets de communication. Il n’y a pas de secret : pour vendre, il faut être vu. Ça peut devenir rapidement élevé.

Antonio Gaudencio : C’est ça. Je pense qu’avant de se lancer dans un livre, il faut déjà intéresser une communauté. Tu as deux grandes solutions : soit tu passes par l’éditeur : tu vas avec ton dossier dans une maison d’édition…

Olivier : Ça a l’air compliqué. J’ai des amis qui ont essayé et ça fait des années qu’ils me parlent de leur projet de livre qui n’a jamais vu le jour jusqu’à présent.

Antonio : Non, parce qu’il faut déjà que le projet plaise à l’éditeur et en gros, il va te rester 6% sur ton prix de vente.

Olivier : Ce sont des chiffres de cet ordre-là que j’ai entendu. Cela signifie qu’il ne te reste plus rien en gros.

Antonio : A part, si tu fais un best-seller à 3 000 000 d’exemplaires. Sinon, il ne va pas te rester grand chose. Donc, l’auto-édition est la solution pour que la marge entre le prix d’achat et le prix de vente te revienne dans sa totalité mais il y a une plus grosse prise de risque financière. La précommande par le biais d’une communauté de gens qui aiment ton travail, c’est parfait. Moi, je suis en mode cool vu que les précommandes ont payé tous les frais. Mais, tu ne peux pas te lancer dans l’auto-édition si, sur les réseaux sociaux, tu es suivi par 2 personnes. Les réseaux sociaux sont sur certains aspects très critiquables mais sur d’autres aspects, sans eux, beaucoup de gens ne vivraient pas de leur métier.

Olivier : Tout à fait. Et il y a aussi les expositions car tu sais que tu vas pouvoir en écouler sur place. Je pense même que c’est plus facile de vendre lors d’une exposition qu’en ligne. Les gens peuvent le voir, le toucher, ils viennent éventuellement de voir le tirage.

Antonio : C’est ça. Tu fais l’exposition et tu fais les signatures en même temps.

Après c’est sûr, quand tu sors un bouquin, tu as le premier cercle : c’est la famille, les amis,… Mais ce cercle-là ne suffit pas pour vendre 500 livres. Il faut que tu élargisses ton cercle avec la communication. Après, il faut aller au charbon et vendre ton truc. Mais peut-être simplement commencer par de petites éditions, sans vraiment vouloir générer de gros bénéfices pour tester le terrain. En fin de compte, le plus difficile, c’est le premier bouquin. Le reste, si tu n’as pas déçu les gens, s’ils ont aimé le premier bouquin, après c’est bon.

Olivier : Oui, après tu fidélises. Tu crées une trilogie et ça donne envie à tout le monde de voir le troisième volet.

Antonio : Mais attention, les trois sont de la même qualité. Tu prends le Seigneur des anneaux, ils sont tous aussi puissants les uns que les autres. Il ne faut pas qu’arrivé au troisième, il soit à bout de souffle. Il faut respecter les gens qui aiment ton travail.

Olivier : Je pense que c’est vraiment essentiel de respecter son audience et de répondre à leur besoin aussi. Même si à la base ton projet part de quelque chose de très personnel, tu dois quand même être à l’écoute des gens.

Antonio : Oui, après il faut des sujets qui soient quand même vendeurs.


Olivier : Il faut trouver quelque chose qui touche tout de même pas mal de personnes.

Antonio Gaudencio : J’ai pensé que l’urbain allait moins toucher les gens que les paysages et en fin de compte, non. Les deux fonctionnent assez bien.

Olivier : Mais, personnellement, j’adore les images de villes. Par contre, je déteste être en ville. Je déteste le bruit et tout ça mais j’adore les photos d’architecture, etc.

Antonio : Je pense que dans tout projet créatif, dans tous les domaines, dans tous les métiers, si tu proposes un produit pour lequel tu sens qu’il y a de la passion, même au niveau de la fabrication, ça fonctionne. Les gens quand ils reçoivent le livre, il y a le contenu et le contenant.

Olivier : Oui, le coffret et tout ça participe à l’expérience.

Antonio : C’est ça. Quand tu prends le bouquin, quand tu l’as bien en main, que tu l’as touché. Par exemple, mon livre n’a pas d’image de couverture. C’est du carton surfacé avec une couverture mate. Le titre du livre est gaufré. Il y a un petit film métallisé qui est mis sur une forme à chaud et on presse le carton ce qui fait l’effet gaufré.

J’aurais très bien pu mettre une image de couverture mais j’aime pas les bouquins avec les couvertures brillantes. Après, c’est un choix. Je ne critique pas ceux qui font ces choix-là, c’est juste que cela ne me convient pas. Je veux un objet élégant, sobre.

Couverture du livre Inspirations Urbaines

Olivier : En effet. Imaginons que tu choisisses “mal” la photo en prenant celle qui plaît le moins à certaines personnes, tu risques un rejet. Alors que comme ça tu es neutre et le contenu est à l’intérieur.

Antonio : Oui et en plus, il ne faut pas que le livre soit plus beau que le contenu. Comme la bande-annonce d’un film, faut pas donner envie et après les gens sont déçus et se disent : “Tout ça pour ça quoi…”. C’est pourquoi le livre est sobre comme mes photos. Il faut que les gens achètent avant tout un produit de qualité. C’est comme ceux qui joignent des textes aux images, attention que le texte ne soit pas plus puissant que l’image. C’est le texte qui accompagne l’image et non l’inverse. Il faut le juste équilibre.


Olivier : Donc, on vient de parler de toutes ces phases de financement et de réalisation mais une fois que c’est imprimé, il faut bien les vendre mais aussi les expédiés. Ça doit être aussi une partie complexe ? Rien qu’à voir la tête d’Antonio, j’ai compris que c’est une partie complexe (rires).

Antonio Gaudencio : Moi, j’aime toutes les personnes sans souci mais quand tu vends des bouquins et que des personnes t’envoient des messages du style : “Je serai pas chez moi, est-ce que je peux le recevoir entre le 2 et le 3 octobre”, “C’est pour mon beau-fils, donc la dédicace c’est à son nom…”.

Olivier : (rires) Entre 12h et 12h15 SVP.

Antonio : Je ne critique pas, c’est marrant, mais il faut gérer. Comme je vends via PayPal ou virements bancaires, des fois l’adresse PayPal ne correspond pas à l’adresse réelle pour la livraison. Parfois, la personne paye avec son compte PayPal et puis, elle déménage mais l’adresse PayPal reste la même car il faut la mettre à jour. Bref, j’envoie systématiquement un mail aux acheteurs pour leur demander de confirmer l’adresse.

Olivier : Ah oui, sinon c’est parti et ça se perd dans la nature ou ça revient chez toi.

Antonio : Certaines personnes me disent “C’est bizarre, j’ai toujours pas reçu ton bouquin. Ah oui, au fait, j’ai oublié de te dire que j’ai déménagé”. Ben moi, je peux pas le savoir. Alors, il faut attendre qu’il revienne et qu’il reparte. Il ne faut pas oublier qu’il y a plein de personnes qui vont manipuler ton bouquin : il faut qu’il supporte le voyage aussi.

Olivier : Oui, c’est tout de même délicat un livre, ça peut s’abîmer, corner, etc.


Antonio Gaudencio : Maintenant, j’ai pris le parti d’acheter des boîtes spécifiques avec des coins ultra-rigides. On apprend de ces erreurs avec le premier livre. Bien sûr, ceux qui étaient arrivés un peu abîmés étaient remplacés. Ça rentre dans les profits. Tu as beau te retourner contre la poste, il n’en ont rien à faire. La réponse de la poste est que c’est à moi de bien protéger mon bouquin. J’ai rien contre eux mais j’ai eu affaire à des personnes qui manquaient un peu de tendresse. En plus, avant de mettre le livre à l’intérieur de la boîte renforcée, je le mets dans une enveloppe avec du papier-bulle. Bien sûr, tout ça à un coup, ce sont les coûts d’expédition. Tu as vite fait de payer 0.30€ l’enveloppe , 0.50€ la boîte.
Pour la petite histoire, le premier livre que j’ai expédié, j’avais estimé qu’il faisait 1 kg.

Olivier : J’aime bien le mot “estimer” qui signifie que tu ne l’avais pas pesé (rires).

Antonio Gaudencio : Le problème est que c’est dramatique (rires). A la poste, il m’avait dit : « En-dessous d’un kilo, c’est 10€ pour l’envoyer dans toute l’Europe”. C’est un forfait européen, que tu l’envoies à Berlin ou Paris, c’est pareil. J’ai fait mes calculs en fonction de cela. J’avais vendu un peu plus de 200 exemplaires en préventes. Bref, quand je me suis pointé à la poste avec mes envois. Mon livre pesait 1 kilo 28 grammes ! Parce que je n’avais pas pris en compte le tirage que je mettais dedans. Le tirage est un papier de 310 g /m² en Fine Art, ça pèse quand même…

Olivier : 28 grammes (rires).

Antonio : Peut-être 35 ou 36 g, j’avais pesé. A la poste, ils m’ont dit : “Attention, c’est la ch… totale”. Jusqu’à 990 g, c’est 10 balles, dès que tu dépasses, tu passes à 15€. Bref, les 28 grammes m’ont coûté 5€.

Olivier : 5×200, ça signifie 1000€ dans les dents.

Antonio : Ben, tu t’adaptes. C’est ça que tu dois déduire de ta marge.

Olivier : En tout cas, bien penser à peser.

Antonio : C’est pour ça que le deuxième est passé de 10 à 15€ pour les frais d’expédition vu que le livre fait plus d’un kilo. Ce sont des petits détails mais après tu te dis : “Zut”. De toute façon, il ne faut pas espérer devenir riche avec le premier livre, ni le deuxième.

Olivier : Bon, ça sert de leçon pour les suivants et pour nos lecteurs.

Antonio : Oui, mais ça dépend aussi des pays. Il y a des forfaits libres, par exemple en France, où c’est moins cher. Tous les pays n’ont pas la même politique au niveau du livre. Dans certains pays, le livre est considéré comme de la culture.

Olivier : Oui, comme c’est de la culture, ils ont des tarifs préférentiels.

Antonio : Renseignez-vous au niveau de votre poste en fonction de votre pays. Ça dépend aussi où ça va. Par exemple, j’envoie un livre en Nouvelle Calédonie pour 20€. D’ailleurs, dans mon salon, j’ai toute une série de livres qui partent pour le Québec, la Nouvelle Calédonie, la Nouvelle Zélande…

Olivier : C’est ce que je pensais. J’allais justement te demander si tu envoyais à l’international ou pas ?

Antonio : Oui, c’est 5€ de plus. Ça fait 20€. Mais pour la petite histoire, j’ai eu des livres qui sont arrivés plus vite à New-York qu’à Paris.

Olivier : (rires) Il a d’abord fait tous les arrondissements ! Il y a aussi des embouteillages…

Antonio : L’expédition, c’est un problème quand tu fais de la vente. Encore plus, quand il s’agit d’un produit sensible. Il faut le conditionner en se disant qu’il sera peut-être jeté par la suite au fond d’un camion ou autre… Je ne fais pas le procès de la poste mais on peut tomber sur des gens moins délicats.


Olivier : Comment tu gères l’enlèvement, le dépôt ? Tu attends un certain nombre de commandes et puis tu vas toi-même à la poste ?

Antonio : Ah oui ! Je vais à la poste et elle me connaît bien (rires). Je ne sais pas exactement mais je dirais que j’y vais par couche de 50 livres. C’est moi qui emballe avec ma femme, c’est moi qui étiquette : C’est le monde de l’auto-édition.

Olivier : Bien sûr. C’est l’aventure aussi. Ça doit être passionnant de faire un projet comme celui-là de A à Z.

Antonio Gaudencio : Oui, franchement. Et surtout quand tu commences à avoir des bons retours, car certains livres sont déjà partis. Ils sont numérotés de 1 à 200 donc ils arrivent en fonction de l’ordre. Les 200 premiers livres sont numérotés, ceux précommandés, et certifiés, les suivants sont dédicacés et certifiés mais pas numérotés. J’ai envoyé les 200 premiers pour les précommandes. Ton livre, il faut que tu le fasses avec respect pour les personnes qui le recevront et faire attention à la qualité du livre, dans son contenu. C’est un service donc il faut être à l’écoute de ton client. Et c’est comme nous avec les formations, si on propose des produits de qualité, les gens auront envie de continuer. Si le contenu n’est pas là, personne te suit. Quand tu fais le premier livre, tu dois penser qu’il y en aura peut-être d’autres et que la qualité doit toujours rester.  Le but du jeu est de faire de l’argent, bien sûr, mais dans le respect. J’édite pas un livre pour la gloire. C’est aussi pour pouvoir vivre de ton métier, de ta passion. Si tu peux le faire avec respect, c’est encore mieux.

Olivier : Oui, d’ailleurs je ne vois pas le mal entre le marketing et les formations ou l’artistique. Il y a beaucoup de photographes, malheureusement, qui associent le monde du marketing au “mal”. Non. Ce n’est pas parce qu’on essaie de vendre quelque chose que c’est nécessairement mauvais. On peut tout à fait vendre de la qualité.

Antonio : Faire du marketing pour développer ton activité, ta passion, un moment c’est le nerf de la guerre.

Olivier : Sinon, à un moment donné, tu ne pourras plus produire et donc, satisfaire ton audience dans l’attente. Si ce n’est pas rentable, c’est inévitable, tu ne le feras plus.

Antonio : Oui et tu peux promouvoir un produit tout en respectant les gens, sans les harceler.

Olivier : Je suis d’accord. Il faut qu’il y ait une visibilité, c’est indéniable, mais après, il faut aussi laisser les gens choisir par eux-mêmes. Ils sont libres de leurs choix. D’ailleurs, en parlant d’achat, où peut-on commander ce livre avant qu’il ne soit plus disponible ? Moi, ça m’est égal car j’ai le mien ! (rires). Je ne veux pas être égoïste.

Antonio : Le livre est en vente sur mon site d’auteur, dans l’onglet “Inspirations Urbaines”. Il y a 500 exemplaires dont 260 déjà vendus.

Commander le livre "Inspirations Urbaines"
Présentation du livre Inspirations Urbaines d'Antonio Gaudencio
Présentation du livre Inspirations Urbaines
Présentation du livre Inspirations Urbaines d'Antonio Gaudencio
Présentation du livre Inspirations Urbaines d'Antonio Gaudencio

Olivier : Ca aussi, c’est important de montrer : Après avoir fait le livre, il faut faire une page de présentation soignée. Il ne suffit pas d’un post sur Facebook. Ici, on voit qu’il y a déjà tout un professionnalisme rien que dans la présentation. Ça peut influer sur le fait que vous vendrez votre livre plus ou moins facilement.

Antonio : Oui, c’est important. C’est comme dans une boulangerie, si tu n’as pas une belle vitrine, les gens n’entrent pas. Je donne également des informations, sur le papier, par exemple. Tout en bas, il y a les commentaires de ceux qui ont déjà reçu leur bouquin.

Présentation du livre Inspirations Urbaines d'Antonio Gaudencio avec les commentaires.
Présentation du livre Inspirations Urbaines d'Antonio Gaudencio

Olivier : Il faut compter combien de temps à peu près si, par exemple, on le commande maintenant ?

Antonio Gaudencio : Oh, il faut compter au maximum une semaine. Parce que je les ai reçus donc il faut que je les conditionne. J’ai commencé à envoyer les premiers vendredi dernier et j’en ai 260 à envoyer, donc je les envoie par couche. Et pareil, je le fais par numérologie. Je commence par ceux numérotés de 1 à 200 pour respecter la chronologie et les suivants ne sont plus numérotés. Le n°1, je l’ai contacté car il a été le plus rapide. Il faut aussi inciter les gens à laisser des commentaires sinon ils ne le font pas.

Olivier : Oui, c’est juste. Comme je suis aussi dans le business, j’ai remarqué que, quand c’est pas bien, les gens vont le dire mais par contre, quand c’est bien, on trouve ça naturel et donc on ne pense pas à le dire. Alors que pour nous, les avis sont super importants car c’est la première chose que les gens qui ne vous connaissent pas regardent. On fait tous pareil : quand je cherche un resto ou un hôtel, je regarde ce que les gens en pensent.

Antonio : Il faut les inciter car, pour eux, c’est normal que ce soit bien. C’est juste qu’ils n’y pensent pas.

Olivier : Ben oui, on est tous débordés. En plus, on a tendance à croire que toi ou moi sommes assez connus et n’avons donc pas besoin des avis. Cependant, il y a énormément de gens qui ne nous connaissent pas. Toi moins que moi, probablement, mais quand même. On a besoin en permanence que les gens mettent des commentaires. Et souvent, des avis récents qui disent que le livre est toujours au top. Parce que, je ne regarde pas les commentaires d’il y a 3 ans sur un hôtel, je veux savoir si le service est toujours là maintenant.

Antonio : Quand tu vends un livre, on est dans un objet d’art. Il faut qu’il y ait un suivi, que les gens créent une relation entre toi et eux. Même s’ils te connaissent pas personnellement, cela crée tout de même une relation humaine. C’est ainsi que tu crées ta communauté. Et sincèrement, si ce livre plaît, il n’y a pas de raison que les gens ne soient pas intéressés par le suivant. Les gens qui achètent mon livre, je ne les considère pas comme des clients mais des passionnés de photographie.

Olivier : D’ailleurs, pour moi on achète pas un produit, on ne va pas au supermarché, mais une œuvre. Tu as le même respect pour ton public que pour l’œuvre que tu as créée.

Antonio : Oui et il faut un suivi, répondre quand on t’écris… De toute façon, dans tous les métiers c’est pareil.

Olivier :

En effet, tu es très disponible. Je le vois souvent sur les réseaux sociaux. C’est super important si vous voulez réussir dans votre business, il faut être disponible pour votre audience.

Et bien Antonio, je te remercie de nous avoir fait découvrir cette belle et grande aventure. En effet, ce n’est pas aussi simple qu’il y paraît. C’est un parcours semé d’embûches mais lorsqu’on arrive à la concrétisation on voit que c’est très positif, d’où la trilogie pour toi et le fait que les gens en redemandent. Je suis déjà sûr et certain que la troisième édition sera aussi un succès parce que tu as su nous convaincre que la trilogie sera menée à bien. Comme tu l’as dit, elle sera créée dans le respect de tes propres choix artistiques et des gens qui te suivent.

Antonio : Pour le troisième, il faudra encore attendre un petit peu…

Olivier : On s’en doute. Comme toute bonne chose, il faut de la patience. En tout cas, le deuxième tome est disponible sur ton site et n’hésitez pas à l’acheter pour en faire cadeau. Un livre comme le tien comme cadeau de Noël ou d’anniversaire, ça m’aurait bien plu au lieu des sempiternelles chaussettes ! En tout cas, encore merci Antonio et j’espère que ça en motivera à se lancer dans l’auto-édition vu que maintenant vous savez comment faire. J’espère que tu nous proposeras un jour une formation complète sur le sujet.


A présent, vous connaissez un peu toutes les étapes du processus à prendre en compte pour réaliser ce genre de projet. J’espère que cette interview vous a plu.

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Vous pouvez retrouver le travail d'Antonio Gaudencio ici :

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