« Elle est jolie, ta photo. Tu as eu du bol que les oiseaux passent là au bon moment.
— En fait, il n’y avait pas d’oiseaux. Et s’il y en avait eu… à cette heure-là, j’étais à une seconde de pose, ils auraient bougé. Je les ai ajoutés après.
— Ah bon ? La Lune était bien là, j’espère ?
— Oui, exactement à cet endroit. Mais avec cette seconde d’exposition, elle était toute blanche. J’avais prévu le coup et je l’ai shootée à 1/80 quelques minutes plus tôt, avant qu’elle passe derrière le monument, et j’ai remplacé la cramée par celle-là. Comme le premier plan n’était pas très beau, j’ai copié des arbres qui se trouvaient à droite. J’ai aussi ajouté quelques nuées pour meubler le ciel, qui était d’une couleur très différente à cause de la pose longue, de la pollution lumineuse, etc.
— Comment c’était, au départ ?
— Comme ça… »
« En effet, ça change !
— C’est bien plus beau après traitement, non ?
— Oui. Mais ce n’est plus comme dans la réalité. Ce n’est plus vraiment une photo.
— Comment, ce n’est plus une photo ? »
Quel photographe qui consacre du temps au traitement de ses clichés n’a jamais été victime d’une accusation de ce genre ? Lequel ne s’est pas entendu dire que son image amoureusement travaillée n’était pas une photo, puisque différente de la réalité ?
Cette question en appelle une autre : qu’est-ce que la réalité ? Beaucoup de philosophes ont tenté de répondre à cette interrogation, et je n’ai pas les compétences pour entrer dans ce débat. Il est cependant évident que plusieurs personnes ne percevront pas une même scène de la même manière, car on ne voit pas seulement avec nos yeux, mais aussi avec nos cerveaux, et avec notre vécu. La photo d’un petit village ne sera pas considérée de façon identique par le citadin qui la regarde sur son smartphone, par le touriste venu de loin qui l’a prise, et par quelqu’un né à cet endroit.
Et puis, tout simplement, un capteur d’appareil numérique ne « voit » pas comme nos yeux. Il ne connaît pas les couleurs, et il est très limité pour saisir les écarts entre les hautes et les basses lumières. C’est le post-traitement (parfois automatisé) qui fait tout.
D'où provient le sentiment pour certains que modifier un cliché est synonyme de tromperie ?
Nous ne sommes probablement pas libérés de ce mythe fondateur de la photo, qui veut qu’elle soit le fidèle reflet de ce qui nous entoure. En effet, lorsque la photo est apparue, le monde était représenté depuis des millénaires par des dessinateurs, avec plus ou moins de talent.
Si l’on en avait les moyens, on faisait appel à un peintre pour conserver les traits d’un enfant. Sans cela, il n’en restait nulle autre trace que les souvenirs de ses parents. C’est sans doute pour cela qu’à ses débuts, la photo était fortement tournée vers le portrait.
Les paysages semblent éternels, à l’échelle d’une vie humaine, et il n’y avait aucune raison de les immortaliser. Toutefois, un peintre interprétait la réalité, évidemment. Il pouvait embellir le regard de son modèle, le faire paraître plus grand, plus élégant, plus jeune… L’artiste était un créateur, parfois doué, et il pouvait arranger une image, sur commande ou à son initiative.
Avec la photo, pas d’interprétation, pas de triche. Ce qui était devant l’objectif parvenait au support qui l’enregistrait, puis à l’œil, sans fraude possible, croyait-on.
Les rôles étaient donc bien définis : le peintre faisait du beau ou du symbolique, pas toujours fidèle ; le photographe montrait les choses telles qu’elles étaient. De nos jours, cette certitude que la photo est un reflet du vrai reste bien ancrée. Ainsi, les agents de la police scientifique shootent une scène de crime pour l’enregistrer objectivement en vue de l’enquête à venir.
Cependant, le cliché non modifié est-il toujours un fidèle reflet de la réalité ?
Lorsqu’un touriste attend qu’il n’y ait plus personne devant un monument avant de déclencher, n’est-ce pas une façon de ne montrer qu’une partie de cette réalité ? Est-ce différent de faire la même chose sous Photoshop ? Quand une femme se maquille pour embellir sa peau avant une séance de prise de vue, ne modifie-t-elle pas quelque chose d’important ? Il existe bien des outils numériques pour en faire de même en post-traitement.
Plusieurs décennies ont été nécessaires pour que la photo soit acceptée comme un art, précisément parce qu’il n’y avait pas, ou peu, d’intervention. De nos jours, c’est fait, elle est enfin reconnue comme telle. Les photographes ont rejoint les peintres d’antan, qui interprétaient l’image du monde. Pourtant, on leur refuse régulièrement le droit d’en faire autant.
Osons la question : une photo « brute de capteur » est-elle de l’art, puisqu’il n’y a aucune démarche créatrice ? Je plaisante. Bien sûr que oui, l’opérateur a tout de même choisi l’angle, la composition, l’instant, parfois la mise en scène… Il reste toutefois enchaîné au réel.
En tant que photographes, nous sommes les héritiers de tous les artistes qui nous ont précédés : les peintres, les graveurs, les dessinateurs, les calligraphes, les mosaïstes, les sérigraphes, les enlumineurs, etc. Jusqu’à remonter aux précurseurs, les vrais inventeurs des arts graphiques, ceux qui ont représenté des bisons et des chevaux en quelques lignes sombres sur les parois des grottes, il y a 20000 ans. Nos boîtiers ultrasophistiqués sont un peu les descendants de leurs morceaux de charbon.
Au cours de ces siècles, bien des outils et des techniques ont été inventés (le pinceau, l’aquarelle, le fusain, le sfumato, le pochoir, l’aérographe, le pointillisme…), toutes ont tendu vers un même but : donner à l’artiste de plus en plus de moyens pour exprimer sa vision du monde. Et nous, pauvres photographes, sommes parfois montrés du doigt lorsque nous ajustons la teinte d’une construction afin qu’elle s’harmonise mieux avec celle du ciel, ou que nous éliminons un élément disgracieux dans une composition !
Bien sûr, il n’est pas envisageable d’interpréter tous les sujets avec la même latitude. En portrait, les modifications acceptables sont limitées, à moins de basculer dans la caricature. Transformer la couleur des yeux ou des cheveux, gommer les défauts de la peau… on ne peut guère faire davantage. De même, en animalier, les possibilités sont restreintes. En paysage, par contre, on peut ajouter un arbre, effacer une maison, abaisser une colline, changer le ciel ou la végétation, supprimer des gens ou au contraire en greffer d’autres… En macro, les possibilités sont également immenses. Nous pouvons réellement composer notre œuvre avec la liberté qui était (et qui est toujours) celle des peintres. Et ne parlons pas du photomontage !
Certains artistes-photographes s’imposent quelques limites. Par exemple, tous les éléments doivent avoir été shootés le même jour au même endroit. D’autres n’ont pas ces scrupules. Le numérique a fait entrer la photo dans une ère où presque tout est possible. Autrefois, un cliché raté était perdu sans recours, et un défaut pouvait rarement être rattrapé. Ainsi, la Lune dans un paysage « heure bleue » était invariablement cramée. À présent, en quelques minutes, nous fusionnons deux photos aux réglages de prise de vue différents. Les contre-jours étaient une épreuve souvent insurmontable. Le bracketing a résolu ce problème.
Il était quasi impossible d’assembler parfaitement un panoramique. C’est désormais une formalité. Nos logiciels permettent la fusion de plusieurs clichés, parfois très nombreux. En astrophoto, un amateur avec 500 € de matériel peut produire des images pour lesquelles les professionnels dans les grands observatoires auraient vendu leur âme il y a seulement trente ans.
Sans exception, toutes les photos que l’on peut voir dans des magazines et sur les sites Internet ont été traitées, au minimum par des algorithmes automatiques. Même les clichés pris à la va-vite au smartphone passent par des filtres qui tentent, avec plus ou moins de réussite, d’embellir le sujet représenté. Jusqu’aux photos des reporters de guerre, qui ne montrent qu’une facette de la vérité. Peuvent-ils se permettre « d’arranger » une image dans le but, sans doute louable, d’attirer l’attention sur un drame ?
Qu’est-ce qu’une photographie, qu’est-ce que la réalité, où se situe la frontière ?
Je ne photographie pas pour montrer la réalité qui est devant mon objectif, mais pour extérioriser mon émotion face à cette réalité. C’est elle que je veux représenter. L’art aura toujours une longueur d’avance sur la vraie vie.
Et vous, qu’en pensez-vous ? Un cliché doit-il rester proche de la réalité ? Jusqu’où peut-il s’en éloigner ? L’art ne peut sans doute pas tout justifier, cependant, la réalité le peut-elle ? Quelle post-production est acceptable sur du reportage ? Faut-il systématiquement détailler les traitements effectués, lorsqu’on poste dans un groupe ou un site de photo ? J’attends vos commentaires.
Article et photographies réalisés par Claude Attard.
L’ avis d’ Olivier Rocq sur le sujet :
Selon moi, le post-traitement, avec la réflexion qu’il entraîne, est la preuve sans conteste qu’un travail de cette ampleur ne peut être accompli sans passion. Comme dans tout, une fois que l’on met une partie de son âme dans sa création, c’est de l’art. Bien sûr, ceux qui s’amusent à faire des fakes pour faire rire ou tromper les gens n’ont rien à voir avec le monde de la photographie.
Chacun fait bien ce qu’il veut mais je trouve dommage que de plus en plus le seul intérêt des photos que je vois sur les réseaux sociaux soit leur traitement.
En gros le traitement devient le sujet de la photo, et la prise de vue n’est plus qu’un prétexte.
Personnellement une fois l’effet « wahou » passé (dû au traitement souvent flatteur pour la rétine), je trouve ces photos bien ennuyeuses.
C’est peut-être ce qui fait la différence entre un bon photographe et un bidouilleur. Le « bon » n’oublie pas que la photo commence au moment où on arrive sur le terrain et qu’on doit choisir une compo, et se termine à l’export pour être imprimée ou postée.
A mon avis corriger les lacunes de l’appareil photo ( en lumière, contraste, couleur, accentuation, profondeur de champ ) reste de la photo; Et j’irais même jusqu’à supprimer un élément gênant ou disgracieux…La réalité est embellie mais reste la réalité.
Par contre ajouter des éléments extérieurs à la prise de vue initiale est du photomontage ce n’est plus de la photo mais de la composition d’images…Il n’est même pas nécessaire d’avoir un boitier pour en créer !
Ce sont deux choses différentes.
À mon avis, le photomontage reste de la photo, puisqu’il est expression artistique. Je met un point d’honneur important à être l’auteur des photos de chaque élément qui le compose, bien sûr.
Très bon article qui fait réfléchir. Je voulais juste rappeler que lorsqu’on fait un tirage papier en partant d’un négatif, au moment où on « insole » le papier, on fait déjà de la retouche : on choisit son exposition, on masque les zones sur-exposées au profit des zones sous-exposées pour faire ressortir les détails, on choisit son papier pour ajuster le contraste, on peut augmenter le vignettage…
On peut aussi jouer sur le grain en fonction de la pellicule.
Sans compter sur le petit coup de crayon gras pour masquer une petite rayure de négatif…
En réalité, on agit sur un certain nombres de curseurs « Lightroom ».
Me concernant, une photo est bien retouchée quand personne n’a remarqué qu’elle l’était !
Dès le chois de la focale et du point de vue, on décide de ce qui va être montré et de ce qui ne le sera pas.
On se rappellera peut-être de ce journaliste que je ne citerai pas, qui s’est fait photographier sur un théâtre de guerre abrité derrière un muret, en tenue de combat… À des kilomètres de la ligne de front. Un autre cliché, pris par un soldat, montrait la supercherie et la mise en scène. C’était un fake, pourtant sans post-traitement.
En dehors de certains domaines bien précis comme par exemple le reportage photo ou la photo animalière, cela ne me pose aucun problème de modifier un cliché (en dehors des réglages de base), ni de réaliser un photo-montage.
Ce qui m’intéresse avant tout c’est de partager ma propre vision des images en y associant un côté créatif.
Le principal est de rester honnête lors de la publication des images.
Pour ce que me concerne j’utilise alors le terme de composition photographique.
Une photo sur laquelle le ciel a été changé, la lune modifiée ou des oiseaux ajoutés doit elle encore porter le nom de photographie ?
Pour moi, même si les éléments proviennent des plusieurs photos prises par le même auteur, elle devient une composition ou un montage photographique.
Mais honnêtement c’est juste une question de terminologie et cela ne me dérange pas.
Le côté artistique de l’image restera toujours une partie importante dans ma démarche de photographe amateur.
Posons alors la question autrement : un photomontage est-il de la photo ?
Pour moi, oui, puisqu’il est une forme d’art créé avec de la photo.
Une peinture reste une peinture, qu’elle soit effectuée avec de la gouache, de l’acrylique, de l’huile ou autre. Il en est de même pour une photo.
Marcel Duchamp crée son premier ready-made en 1913. Il retourne un urinoir en porcelaine et le signe. Cet objet usuel deviendra scandaleux une fois exposé dans un musée de New-York. L’artiste touche au statut de l’œuvre d’art, à celui de l’artiste, mais aussi au regard du public. Ce sont des siècles d’histoire de l’art remis en question avec cette « madone des toilettes ».
N’en va-t-il pas de même aujourd’hui avec la photographie !?
D’ailleurs la photographie est-il un art ou est-ce simplement de la « photocopie »?!
Je ne sais pas si je suis un artiste mais dans tous les cas je ne me considère pas comme un « moine » copiste.
Ensuite il est faut savoir faire la part des choses.
Une photo si on la regarde en tant qu’information, il est nécessaire de vérifier sa vraisemblance comme tout autre information; si on l’a regarde comme un objet d’art ce critère n’est pas le plus important. Ne nous opposons pas dans de faux débats. Une belle photo reste une belle photo peu importe sa genèse. Je ne rentre pas dans des considérations juridiques qui sont d’un autre ordre.
Même purement informative, une photo ne montrera qu’une partie de la réalité, celle choisie par le photographe. Un simple cadrage, un point de vue ou le choix d’une focale montre certaines choses et en cache d’autres.
Transformer un cliché numérique pour qu’il procure plus d’émotion selon le ressenti du photographe même si les conditions de lumière lors de la prise de vue n’étaient pas à la hauteur de l’attente, me paraît tout à fait acceptable, sauf à inventer une scène fausse de la réalité vue ou possible.
Passer du numérique couleur à du noir et blanc est très souvent valorisant pour le cliché original, d’autant que les post-traitements sont très efficaces et bien plus rapides à pratiquer que passer des heures au labo argentique pour un résultat pas toujours à la hauteur !
Donc oui à la « transformation » mais avec modération !
Même sans modération, il est important d’accepter le travail du photographe, sans accusation.
Pourquoi ne pas profiter de ce qui est mis à notre disposition pour améliorer ce que l’on a envie de montrer ou de transmettre. C’est une façon d’apprendre et de développer son sens créatif. Toutefois cela reste le choix de chacun!
C’est tout à fait ça !
Marinette, votre remarque est très pertinente, abrège un débat que je connais depuis fort longtemps dans un club photo et qui semble sans fin. Pour ma part, utiliser les outils mis à disposition du photographe est devenu essentiel sans pour cela ignorer dans l’objectif ce qui pour moi, je le répète pour moi, sera une photo avec mon ressenti et si je peux, en y rajoutant une part personnel de créativité.
Le terme même de photographie signifie « écrire avec la lumière » cette action n’a donc pas forcément pour objet de décrire une réalité, laquelle est elle même sujette à interprétation?. Il s’agit donc d’une acte de création, me semble-t-il.
Tout à fait. Le choix du cadrage est déjà une interprétation : ce qu’on choisit de montrer et ce qu’on laisse hors-champ.
Eternel débat …. (Etant un retraité ayant la passion de la photo ,et non un pro ), pour ma part je trouve qu’il est nécessaire de booster sa photo….. car -pour moi-un boitier n’agit que mecaniquement et une photo brute ne transmet pas forcement au spectateur l’émotion que l’auteur a eu au declenchement et qu’il veut transmettre . Donc perso , je veux lui donner du « peeps » et la valoriser -sans exagération- , pour lui donner de la profondeur voir du relief et des couleurs qui refleteront ma vision et l’émotion que j’ai ressenti a l’instant T du déclenchement .
Tu as tout résumé en une phrase, bravo !
En fait je pense que la confusion, la polémique, la discorde … viennent de l’origine du mot photographie.
> La première vérité factuelle : Procédé permettant d’enregistrer, à l’aide de la lumière et de produits chimiques, l’image d’un objet (et aussi ensemble des techniques d’enregistrement de rayonnements électromagnétiques).
> La première polémique : le mot « Image », mot présent dans la définition… conférant à la représentation obtenue la qualité de vérité, de relater fidèlement le réel !
> La première interprétation : Description précise et objective visant à définir un état, à un moment donné.
Vous avez dit « Image » ?
Platon donne une des plus anciennes définitions de l’image : « J’appelle image d’abord les ombres ensuite les reflets qu’on voit dans les eaux, ou à la surface des corps opaques, polis et brillants et toutes les représentations de ce genre ».
Le mot image en français vient du latin imago, qui désignait autrefois les masques mortuaires.
Selon l’essayiste Olivier Boulnois :
« Qu’entend-on par image ? Dans le monde romain, l’imago désignait un portrait de l’ancêtre en cire, placé dans l’atrium et porté aux funérailles. Le droit d’images, réservé aux personnes nobles, leur permettait d’établir et de conserver leur lignage. Étymologiquement, l’image figure donc le portrait d’un mort.
L’image est le langage commun de l’humanité. Elle apparaît sur les voûtes des grottes préhistoriques bien avant que l’homme songe à édifier des temples et des tombeaux. Des millénaires la séparent de l’écriture, projection abstraite de la pensée. L’image abolit le temps et l’espace. Elle est lecture instantanée et présence immédiate du monde. À travers elle l’homme se reconnaît ; pourtant sa richesse est ambiguë et son pouvoir d’aliénation extrême. L’image sert de vérité. Elle s’offre à tous et se refuse à chacun. La mythologie moderne consacre le règne de l’image… »
Vérité et réalité
Dire qu’une chose est vrai signifie souvent qu’elle a eu lieu, que c’est un fait avéré. Mais doit-on concevoir la réalité seulement comme ce qui relève de l’expérience sensible ? La définition de la vérité dépend de la conception qu’on se fait de la réalité.
Platon, considère que la réalité est le propre des Idées que seul l’esprit peut atteindre, et refuse d’accorder aux choses sensibles, changeantes et temporelles.
Personnellement, j’adhère à cette définition de Platon.
Donc la photographie n’a jamais été un constat, une preuve de réalité. Elle aide l’homme au même titre que la littérature, la philosophie, les mathématiques, la peinture… à envisager son environnement, sa place dans celui-ci, son rapport avec lui.
Pitié et patience donc envers ceux qui ne voient pas, ne croient pas, ne vivent pas encore la vie de tout leurs sens.
Nous, nous essayons.
L’Histoire de la photo montre qu’en effet, elle est depuis ses début associée à la réalité des choses. Quand on veux garder une trace « objective » d’un sujet périssable, on en fait une photo.
Mais il y a bien sûr le point de vue artistique, créatif, et il ne faut surtout pas refuser cette dimension à la photo.
Ce qui vient de l’esprit, même sans être « réel » est souvent vrai. J’en veux pour preuve ces gens qui tombent vraiment malades à cause de problèmes imaginaires ! Comme disait Boris Vian : « Cette histoire est vraie, puisque je l’ai inventée ».
Que veut-on démontrer ?
Dans un cas une photographie est le reflet de la réalité (Sport, Journalisme, …) dans l’autre une forme d’Art comme la peinture. As-t-on déjà reproché à un peintre de ne pas représenter la réalité ? Même si nous avons les moyens de coller à la réalité (c’est plus facile qu’avec un pinceau et de la peinture) nous avons aussi la liberté d’être créatif si la photographie s’y prête.
C’est bien là, à mon avis, la limite. Avec chaque photographie que nous prenons, nous voulons montrer et partager une vision. Si notre vision est artistique alors oui retoucher une photographie devient naturellement l’extension de notre créativité. Nous ne voulons tromper personne, simplement s’exprimer. Si la photographie est le témoignage d’une réalité, alors un minimum de retouche peut être apporté (une accentuation du sujet par exemple) mais ce n’est pas de la créativité.
Après, ainsi que le dit le dicton populaire, les gouts et les couleurs … sont vraiment quelque chose de personnel.
Lorsqu’il s’agit de journalisme, le débat est encore plus délicat. J’ai vu il y a quelques semaines une série d’interviews de photo-reporters qui faisaient des aller-retour en Ukraine, des gens qui ont évidemment une grande expérience de ce genre de reportage. On n’envoie pas un débutant dans un tel foutoir ! Les deux questions qui se posent à eux sont Faut-il tout montrer et Comment le montrer. Peut-on montrer toute la misère, toutes les horreurs sous prétexte de témoigner, et a-t-on le droit de les mettre en valeur pour mieux sensibiliser les gens à ce qui se passe là-bas. Un des photographe avait été « attaqué » sur le fait qu’il avait nettoyé quelques éléments gênants d’un cliché pour mettre en valeur la scène principale. Personnellement, je n’étais pas choqué, surtout que certains utilisaient ceci pour jeter le discrédit sur TOUT le travail de ce photographe !
Le principal est de faire passer une émotion, si possible notre ressenti.
Edouard Manet disait « Je peins ce que je vois, et non ce qu’il plaît aux autres de voir ».
Pour moi il en est de même pour la photographie.
J’adore cette citation de Manet. Je la garde, merci.
Perso, presque toutes mes photos de paysages son retouchées, avec plus ou moins de bonheur. C’est pourquoi je ne les appelle pas « paysage » mais « ambiance ». Je suis incapable de tenir un pinceau et donc mon APN me sert de pinceau. Pour moi, tout est permis, ce qui compte c’est le résultat, c’est beau ou pas, on aime ou pas ! Je ne cherche pas à reproduire les choses telles qu’elles sont mais telles que j’aimerai les voir. Peut-on dire qu’une toile de Maitre reflète exactement la réalité ?
« Je ne cherche pas à reproduire les choses telles qu’elles sont mais telles que j’aimerai les voir. »
Je n’avais pas pensé à cette démarche. Je suis de ceux qui cherchent à montrer les choses comme ils les voient. Toi, comme tu tu aimerais qu’elles soient. La photo, comme moyen d’expression, est sans limites.
Texte très intéressant illustrant bien la polémique. Personnellement, je pratique essentiellement de la macro ou de la proxi de notre environnement naturel et je m’astreins à ne faire aucune retouche localisée – qui me semble être une tromperie – Par contre, clairement, je peux manipuler l’environnement local autour d’un insecte, en enlevant quelques herbes mal placées, en modifiant à la prise de vue la balance des blancs, en ajoutant un éclairage…Donc, j’ai mis des limites mais qui restent discutables. En tout cas, j’ai l’impression de rester assez proche de la nature et de continuer à faire de la photo plutôt que de l’image.
L’intelligence artificielle en photo me semble aggraver considérablement la distance entre le cliché proche de la réalité, et le produit d’une imagination à la fois algorythmique et humaine, d’autant qu’elle emprunte le plus souvent les images des autres…La discussion ne sera jamais close, mais il faudra mettre des barrières et imposer de faire des déclarations transparentes d’utilisation de l’IA, un peu comme on ne le fait pas… pour les conflits d’intérêt dans les grands médias…
Toute la question est dans ce qu’on souhaite montrer. Si ton but est de montrer le monde du « tout petit » tel qu’il est, il est normal que tu te limites sur les retouches, sans rien t’interdire pour embellir l’image (travail sur le bokeh par exemple). Mais si l’essentiel est de montrer une émotion, le traitement est un outil merveilleux.
Entièrement d’accord avec cet article ! pour ma part je considère qu’il faudrait juste préciser quand la photo est sortie brute de l’appareil ! pour le reste tout est vision d’artiste ! il s’agit d’une image créée par l’auteur , la seule règle qui s’impose ( à mon avis ) est que tous les éléments qui composent l’image finale doivent être la propriété de l’auteur ! ….pas d’utilisation de banque d’image existantes en réseau ou autres….( ciels , oiseaux, etc….)
J’adore faire des photomontages, et comme tu le dis, j’accorde de l’importance à ce que tous les éléments soient sortis de clichés dont je suis l’auteur. Je m’autorise juste parfois un emprunt de détail (un objet par exemple) quand je n’en ai pas en stock et aucun moyen de le shooter à ce moment-là.
La photographie est un art et le photographe en est l’artiste. En tant qu’artiste, il n’y a de limite que sa créativité.
Je nuancerais ma réponse dans le domaine du reportage qui, au sens strict, est censé rapporté « une » réalité sans parti pris, sans « tromperie ». A ce sens, je pense que le photomontage n’y a pas sa place. La retouche, par exemple pour éliminer un élément perturbateur, ne me dérange absolument pas, mais devrait être mentionnée.
Article très intéressant et qui ouvre la voie à la réflexion. Excellent.
Merci. En ce qui concerne le photojournalisme, je te renvoie à la réponse que j’ai faite ici-même au commentaire de Stephen Demailly.
Il faut juste assumer ce que l’on fait : directement issu d’un appareil photo, on a une photo et après post-traitement, ce n’est plus une photo mais une image.
Même directement issu d’un appareil, il y a post-traitement. Il est automatisé, mais absolument indispensable. Une image réellement « brute de capteur » serait une bouillie de zones claires et sombres sans couleurs, sans contraste et sans image vraiment visible.
Moi ma photographie n’est pas du reportage. les notions de réalité, d’images de mémoire ou de témoignage n’ont rien à voir avec mon travail et ce n’est pas ce qui me passionne.
Je cherche une autre réalité : la mienne.
Même en reportage, les photos « 100 % nature » n’existent pas.
Excellent article. En tant qu’art, la photographie peut à mon sens autoriser énormément de choses en effet MAIS, il devrait TOUJOURS être précisé s’il s’agit d’une œuvre réalisée avec modifications dont le recadrage ou d’une photographié simplement « développée ». Si ce n’est pas fait on peut alors toujours soupçonner la tromperie, le fake.Pour apporter une petite précision, en Police Technique et Scientifique, à l’époque de l’argentique (que j’ai connue), il fallait conserver les négatifs afin de pouvoir prouver l’absence de manipulation. Avec l’arrivée du RAW, une copie de ceux-ci (voire la carte originale) doivent être déposés au greffe et/ou pouvoir être produits.
Pourquoi faudrait-il préciser les entorses à la réalité en photo mais pas forcément en peinture ? Ce n’est pas une vraie question, je suis d’accord que toute retouche importante doit être précisée.
Totalement d’accord avec cette vision artistique. Je suis d’accord aussi avec le fait qu’une photo ne doit contenir que des éléments pris le jour même au même endroit, et que au-delà de ça on bascule dans le photo-montage.
Très très beau texte, dont je fais mienne la philosophie.
Le photo-montage est un genre artistique à lui seul. Que l’adore !
Pourquoi un tel débat ? Est-ce vraiment utile de savoir si untel ou unetelle traite puis retouche ses photographies. Nous pouvons admettre que les photographes professionnels ou amateurs voire béotiens, appartiennent à un mouvement ou à un courant comme l’ont été les artistes peintres ou les sculpteurs. Je citerai quelques courants : réalisme, naturalisme, pointillisme, expressionnisme… l’art moderne… le surréalisme… etc.
L’art en général ne connait pas de frontière, il en est de même de l’art photographique. L’outil de traitement des clichés photographiques offre à l’auteur(e) qui l’utilise, des possibilités insoupçonnables. Le ou la photographe a donc la liberté de laisser libre cours à sa créativité à l’instant T où il décide de modifier ses clichés photographiques. C’est une démarche personnelle qui flatte l’égo et qui consolide le narcissisme nécessaire à l’affirmation de soi.
Mais la grandeur du photographe réside dans le concept du monde artistique qui reconnaît que dès que l’artiste expose son ouvrage (galerie, réseaux sociaux…), celui-ci ne lui appartient plus. Le visiteur, celui qui regarde l’image, se l’approprie et devient propriétaire de l’image qu’il regarde. Pour illustrer ce concept je prends l’exemple très fréquent qu’on peut visionner en tuto : un spécialiste de formation photoshop reçoit une image photographique d’un de ses participants qui la lui soumet pour un avis. Dans le cas présent, la photo originale présente un beau ciel bleu qui illumine un champ de fleurs et une petite maison, un ciel bleu qui accroche le regard et invite à la relaxation. Le spécialiste de formation qui devient propriétaire de l’image, retouche, transforme l’image photographique. Il précise rendre le ciel dramatique. Ainsi, l’image finale n’a plus rien avoir avec l’image originale. Je citerai également une intervention d’Olivier sur une photographie qui a été classée 1ere, sur le thème « paysage d’été ». A cette période d’été, le ciel est bleu (réalisme), Olivier devenu propriétaire de l’image photographique qu’il a reçue, la retouche. Au final, le ciel n’est plus bleu et perd son sens symbolique de l’été. Que dire ? A mon sens rien. Devenus malgré eux propriétaires des images reçues, ils vont forcément vouloir les marquer de leur empreinte. Bien évidemment, aucune critique ne doit être formulée à l’égard du formateur et d’Olivier qui n’ont pas le même sens, la même histoire, les mêmes références et les mêmes sensations que l’auteur(e) à l’origine de la photographie initiale.
En conclusion, je dirai que l’art en général et l’art photographique en particulier, ne mérite pas de discours.
Roland
C’est un bon résumé de ce que j’ai voulu exprimer.
Le but de l’article était aussi de donner des arguments à ceux qu’on accuse de ne pas faire « de vraie photo », ou de les « trafiquer ».